Les sept péchés capitaux de la cathédrale de Laon
Les sept péchés capitaux de la cathédrale de Laon sont de bien mystérieuses gargouilles : découverte avec Caroline Godard, guide conférencière et greeter...
Me promenant régulièrement sur le plateau de la ville de Laon, ma curiosité m'a poussée à franchir la grande grille du palais de justice jouxtant la cathédrale pour admirer des sculptures sans pareilles..
La cathédrale Notre Dame de Laon recèle bien des secrets et des incertitudes. Nous connaissons l'origine des célèbres bœufs de la cathédrale mais qu'en est-il des sept péchés capitaux qui décorent les chapelles latérales du chœur côté nord ?
Sept gargouilles émergent du sommet des contreforts du chœur. Ces sculptures font partie, semble t-il, d'un ajout d'architecture du XIIIe siècle pour l'agrandissement du chœur des chanoines. La robustesse des murs boutants retombant sur les culées composant la structure haute de la cathédrale contraste avec la finesse des éléments sculptés en partie basse, qui est couronnée d'une balustrade. Entre chaque gargouille, une verrière prend naissance et se divise en lancettes. Ces dernières sont surmontées d'une rose polylobée.
Les gargouilles, très individualisées, sont sublimées grâce aux pinacles surmontant les niches. Cette décoration témoigne bien de la période de l'art gothique. Ces effets sculptés soulignent bien l'importance de la présence des gargouilles. Il s'agit en fait des sept péchés capitaux. Je peux ainsi les énumérer : l'envie, l'orgueil, l'avarice, la luxure, la colère, la gourmandise et la paresse.
D'après les écrits du grand historien Émile Mâle, la représentation des sept péchés capitaux a surtout pris de l'ampleur au XIV siècle. Avant, les vices étaient surtout associés aux vertus. D'ailleurs, si l'on retourne sur nos pas en direction de la façade occidentale de la cathédrale on peut admirer sur les voussures du portail nord, le combat des vices et des vertus inspiré de la Psychomachie de Prudence. C'est un thème très ancien dont les représentations ont évolué à travers les siècles. Ici, de jeunes guerrières armées de boucliers triomphent des vices gisant à leurs pieds.
Recentrons nous sur les sept péchés capitaux. Une des sculptures nous surprend. C'est l’orgueil représenté par la figure du lion. On le reconnaît à sa grande crinière bien que sa gueule soit le résultat de l'imagination des sculpteurs. L’orgueil est le vice des rois, comme l'avarice le vice des marchands, comme l'envie est le vice des moines. Sous le roi des animaux, une figure humaine
sculptée est représentée trônant tel un souverain. Dans les anciens manuscrits, les vices étaient représentés montés sur des animaux symboliques, ce qui explique la présence animalière. Depuis les temps antiques, l'animal fut pour l'homme un guide infaillible, le dépositaire d'une profonde sagesse et des secrets de l'avenir. Le génie symbolique du Moyen-Age vit dans le monde animal une obscure image du monde moral. L'animal semble exprimer tous les aspects de la dégradation. A ce titre, le Roman de Renart est une sorte de miroir de la nature déchue.
Une autre sculpture m'a également interpellée. Il s'agit du cochon muni de défenses de sanglier. Il surmonte un personnage rongé par la luxure. Ce dernier empoigne, d'après ce que j'ai pu voir, une corne d'abondance signe d'accumulation de richesses et de plaisirs. A l'origine, on assimilait la luxure à une dame montée sur une chèvre et portant une colombe.
Entre le lion et le cochon se trouve l'avarice. L'animal qui surmonte ce péché est difficilement reconnaissable. Il a la physionomie d'un veau et le corps d'un chien. Dans les manuscrits du XIIIe siècle, l'avarice est souvent associée au chien et à la représentation d'une femme qui remplit son coffre-fort. Ici, le personnage sous l'animal est ramassé sur lui-même et semble s'accrocher à ses biens matériels. Plus loin, la colère serre les poings de rage. Elle est surmontée d'un félin. Dans les élans guerriers de la Psychomachie de Prudence, la colère défiant la patience saisit un javelot à ses pieds et se l'enfonça dans la poitrine. La colère conduit au désespoir.
Deux personnages très énigmatiques et curieux m'ont alertée. Un moine tenant son ventre de la main gauche et sa poitrine de la main droite a l'air de rejeter toutes les impuretés de son corps. Quelle excellente satyre sociale ! Ce moine aurait succombé au péché de la gourmandise. Force est de constater que chaque vice est mis en rapport avec une classe de la société, un des deux sexes et un âge de la vie. La paresse, en l’occurrence, est incarnée par une religieuse qui est plongée dans un profond sommeil. A l'extrême gauche, trois têtes symbolisent l'envie. La gargouille est décalée sur la gauche. Cet ensemble de sculptures est encore plus énigmatique. Une expression connue dit 'desséchée par l'envie'. Le visage au milieu incarne peut-être le désir ardent exprimé par cette envie qui finalement s'estompe et s'affaiblit. En effet, les autres visages paraissent moins expressifs.
L'ignorant regarde, voit des figures mystérieuses et n'en comprend pas la signification. Mais, le savant s'élève des choses visibles aux choses invisibles. Il faut insister sur le fait que ces sculptures se trouvent dans la cour de l'ancien palais épiscopal et ne pouvaient être approchées que par l'évêque et sans doute par les chanoines. Ces symboles ne leur étaient pas inconnus et s'adressaient plus particulièrement à eux afin qu'ils se rappellent également leur simple condition humaine. Ces sculptures méritent que l'on s'en approche de plus près et susciteront toujours le péché de l'envie et de la curiosité.. Je défie quiconque de s'en éloigner et de ne pas succomber à la lecture de leurs messages cachés.
Caroline Godard est guide conférencière, passionnée d'Histoire de l'Art et membre des greeters de l'Aisne.
par Caroline Godard
Avec l'aimable concours du Comité Départemental du Tourisme de l'Aisne
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