J'ai marché hors sentiers à Vent des Forêts, dans la Meuse

Sculpture contemporaine de Vents des Forêts dans la MeuseJ'ai marché hors sentiers à Vent des Forêts, parcours d'art contemporain dans la Meuse : Vent des Forêts est un projet fort et intense...

oeuvre de Vent des Forêts, sculptures contemporaines dans la Meuseune utopie créative, réaliste et généreuse : installer l'art contemporain dans une région agricole, au coeur de la Lorraine ; près de cent oeuvres à découvrir, et des sentiers de plusieurs jours de marche. Vent des Forêts existe depuis 16 ans, dans une confidentialité paradoxale et étonnante, pour une telle oeuvre monumentale. Six villages forestiers, sur cinq mille hectares de forêts vallonnées ont signé un accord pour accueillir, mettre à la disposition des artistes des vergers privatifs, jardins, parcelles de champs, clairière, permettre l'installation de sculptures d'art contemporain, pour qu'il s'insère dans le paysage.

En arrivant à la gare TGV de Meuse Voie Sacrée aux aurores, car il n'y a qu'un seul train de Paris le lundi matin, j'avais une idée floue de ce que j'allais découvrir. J'avais rendez-vous au premier étage de la Mairie de Fresnes-au-Mont, devant laquelle le car départemental devait me déposer, après que j'ai pris la précaution de prévenir le chauffeur de ma destination.
Rapide échange avec lui : "Si vous vous arrêtez à la Mairie de Fresnes-au-Mont, c'est que vous allez à Vent des Forêts" : ici, Vent des Forêts fait partie de la vie, on est habitué à découvrir une sculpture contemporaine au détour d'un chemin, au milieu d'un champs ou dans une clairière.
En arrivant à quelques kilomètres de Fresnes-au-Mont, je suis médusée à la vue soudaine d'une voiture arrimée à une caravane, montées l'une et l'autre sur d'immenses roues de tracteur, juchées en hauteur, sur le talus au bord de la route. Vision d'autant plus spectaculaire que sur le toit de la caravane, tel un théâtral et exotique couvre-chef, se dresse une hutte en paille, dans laquelle pousse un palmier. "C'est Vent des Forêts" me dit le chauffeur imperturbable.

Je suis accueillie par Pascal Yonet, directeur artistique : "Vent des Forêts, ce n'est pas du land art, c'est un espace rural d'art contemporain. La Meuse est une région rurale, et on a voulu que l'art contemporain s'inscrive dans le territoire, que les gens se sentent concernés et impliqués."

Pascal Yonet, qui a repris la direction artistique de Vent des Forêts depuis un an, porte le projet avec une passion communicative :
"Lors de la mise en place des oeuvres en juillet, les artistes sont hébergés chez les habitants et c'est avec eux qu'ils réalisent les oeuvres imaginées ; la force de Vent des Forêts, c'est de rapprocher les univers, d'enraciner l'art contemporain sur un territoire de tradition agricole ; les paysans proposent leurs champs, leurs vergers privatifs, leurs jardins pour héberger les sculptures, totems, installations, et ils mettent leurs compétences en commun avec les artistes pour finaliser et pérenniser les oeuvres. Par exemple, pour les "Variables obsolètes" de Nicolas Boulard (*1), on a travaillé avec un forgeron et l'emplacement de l'oeuvre a été conseillée par le propriétaire du terrain : au départ, on voulait la mettre dans un angle, mais le propriétaire nous a dit de la mettre au milieu, à la croisée des quatre champs, pour qu'elle se voit bien et qu'elle ne gêne pas le passage des agriculteurs qui viennent travailler leur terre. Vent des Forêts est une oeuvre collective, où chacun apporte sa compétence, sa créativité et son savoir-faire."

Rapide échange avec son équipe, pour savoir quelles sculptures me faire découvrir, si on devait déposer des cartes de Vent des Forêts sur le parcours et emporter des sacs poubelle pour ramasser d'éventuels détritus qui auraient été oubliés par des passants sur les sentiers à emprunter. Tandis que la fourgonnette vrombit dans les virages, Pascal Yonet m'explique le programme : "On va d'abord visiter les Maisons Sylvestre de Matali Crasset, pour le moment, seul "Le Nichoir" est terminé et il a été inauguré cet été. C'est un projet expérimental, des maisons écologiques au coeur de la forêt, pour vivre en harmonie avec la nature. On y dort, mange, respire, rêve et vit autrement."

Sur place, Pascal Yonet ouvre la porte du Nichoir avec le cadenas pour visiter l'intérieur et des promeneurs, étonnés de voir la porte ouverte, viennent à notre rencontre. Ce sont des habitants qui n'ont jamais visité la cabane : "On aimerait bien venir dormir, c'est une expérience intéressante" Pascal Yonet les invite à réserver la date qu'ils souhaitent. "C'est important que les habitants s'approprient les Maisons Sylvestre, Matali a travaillé sur l'osmose entre la cabane et la vie de la forêt, elle veut que les Maisons Sylvestre s'insèrent aussi naturellement dans la vie des habitants."
A droite de la passerelle d'accès, un filet, comme sur un trimaran, tel un immense hamac, pour se reposer dehors, et regarder le paysage.
Les Maisons Sylvestre de Matali Crasset, situées au coeur du territoire de Vent des Forêts, sont des oeuvres d'art au milieu des bois.

Après quelques kilomètres, Pascal Yonet gare la fourgonnette près d'un sentier qui s'enfonce dans la forêt. Quelques cannettes de bière et mégots jonchent le sol, plus loin des papiers de bonbon, Pascal Yonet sort le sac poubelle et commence à ramasser : "C'est rare d'en trouver car les visiteurs respectent les lieux, comme si l'alchimie entre l'art contemporain et la nature inspirait le respect, donnait à réfléchir. Autour des sculptures, on en trouve rarement."

Nous commençons à descendre le sentier en pente raide, vers "Salut pour tous, encore des agapes à moratoire orphique" de Théodore Fivel (*2). Soudain, le masque monumental se profile, au milieu de la clairière, en face de nous. Pascal Yonet vérifie la sculpture, actionne la porte du four à pain. "C'est super, la mousse commence à s'insérer dans les jointures de la sculpture, une fois installées, les sculptures vivent avec la nature, cette évolution fait aussi partie de l'oeuvre. On va remonter vers la route hors sentiers, je vais vous montrer une autre oeuvre plus ancienne".
Naturellement, il y a des toiles d'araignée et des ronces.
Pascal Yonet poursuit sa route, avec décontraction, à un train d'enfer : "Dans cette forêt, on rencontre fréquemment des sangliers, mais ils ont plutôt peur de nous".
Déstabilisée par la nouvelle, je demande la marche à suivre si, maintenant là, on en rencontrait un plus téméraire : "Ne vous inquiétez pas, je vous dirai ce qu'il faut faire"

Nous remontons, indemnes, dans la fourgonnette pour aller déjeuner chez Madame Simon. Madame Simon est une figure et son restaurant, une adresse comme on n'en fait plus. On nous attendait : au menu, les légumes de son jardin, oeufs de son poulailler et autres productions locales, comme à la maison. Madame Simon n'a pas attendu que le mouvement des locavores, initié à San Francisco dans les années 2000, arrive en France, pour manger et servir des plats bio.
Quelques minutes après nous, un homme en marcel bleu marine et son fils entrent dans le restaurant, échange de salut avec Pascal Yonet qui connait tout le monde, et discussion autour des récoltes et des sculptures de Vent des Forêts. Ils s'attablent et se mettent à manger, chacun, le contenu de leur gamelle isotherme. Madame Simon leur donne des couverts et leur demande ce qu'ils veulent en plus : "Des oeufs sur le plat, s'il y en a". Elle sort du restaurant et se rend au poulailler situé à quelques mètres. Etant trop affairée à nous servir, c'est finalement l'agriculteur, lui-même, qui fera cuire ses oeufs.

Après un déjeuner excellentissime, nous repartons et passons à côté d'un verger privatif, dans lesquels des totems en faction protègent la floraison des prunes et poursuivons notre route vers Fresnes-au-Mont pour découvrir l'une des pièces maîtresses de Vent des Forêts, le jardin japonais(*3) : entouré par le bras d'une rivière, avec vue sur le village par une fenêtre dans les arbres, le lieu est féérique.
Et quand vient le soir, chaque jour à 18h, une brume venue du levant s'élève et enveloppe le visiteur, dans un profond recueillement. Initiatique.

par Isabelle Brigout

(*1) : Nicolas Boulard a construit un cabanon avec un canon anti-grèle, qui envoie un détonation toutes les dix minutes, afin de pallier les caprices météorologiques
(*2) : Théodore Fivel a créé un masque monumental, dont la bouche est un four dans lequel on peut cuire le pain
(*3) : Jardin Japonais et sculpture de brume de Fujiko Nakaya

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Comité Départemental du Tourisme de la Meuse

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