Tous les superlatifs ont été utilisés pour décrire ses sommets hérissés d'aiguilles, ses neiges éternelles et ses glaciers, ses torrents intrépides et ses cascades bouillonnantes, ses lacs immaculés, ses forêts et ses alpages, verts en été, blancs en hiver. Les Alpes présentent un incroyable assemblage de merveilles de la nature, impressionnant de puissance. Un univers où l'homme a réussi à faire sa place très tôt, à s'adapter, au prix d'efforts qui, eux aussi, suscitent l'admiration.

Au-delà des zones d'alpages et de forêts, les Alpes apparurent certainement infranchissables aux premiers hommes des vallées. On imagine le courage qu'il fallut aux pèlerins et commerçants, pour franchir les grands cols. Quelques armées s'y risquèrent. On cite celles d'Hannibal, avec ses éléphants, au col du Montgenèvre ou celles de François 1er, au col de Larche. La majorité des habitants des montagnes connurent, des siècles durant, une vie très rude, en petites communautés éclatées, rythmée par les saisons, ancrée dans des traditions qui avaient fait leur preuve. En été, montée dans les alpages, transhumance des troupeaux et fabrication fromagère, en hiver, pratique des métiers du bois et émigration saisonnière vers les villes ; on sait que, jusqu'au début du XXème siècle, dès les premières neiges les petits ramoneurs savoyards venaient chercher du travail à Paris. Aucun petit métier n'était négligé, à la belle saison, les paysans faisaient commerce des fleurs d'alpage et de liqueurs et élixirs à base de plantes. Aucun produit de la nature n'était ignoré, le lis martagon soignait les cors aux pieds, le narcisse montagnard les entorses et la grande astrance purgeait la bile et la mélancolie…

De nos jours, dès l'hiver venu, la montagne vit à l‘heure du tourisme, des vacances sportives, ski, surf et autres activités de glisse. C'est dans les Alpes françaises qu'on trouve les plus grandes stations, les plus vastes domaines skiables, de réputation mondiale : en Savoie, Megève, Courchevel et les Trois Vallées, Méribel, et Val Thorens, Morzine, Avoriaz et La Clusaz, ainsi que les stations de la Vallée de la Tarentaise : Val d'Isère, Les Arcs Paradiski avec les "balcons sur le paradis" réalisés par Charlotte Perriand dans les années 70 au-dessus de de Bourg-saint-Maurice. L'été, le tourisme se diversifie, revêt différentes formes, autour de la randonnée, de l'alpinisme, du thermalisme (Evian ou Vichy), des sports d'eaux vives. La flore alpine est exceptionnelle, particulièrement au printemps où, dès la fonte des neiges, gentianes, lis martagon ou orangé, rhododendron, edelweiss tapissent les prairies. A chaque altitude et chaque exposition ses variétés de plantes. Cette éclosion offre des moments enchanteurs aux amoureux de la nature. Les photographes sont ravis par les paysages découverts à chaque instant sur les sentiers de montagne ; il est même possible de rencontrer et d'observer des chamois, bouquetins et autres marmottes dans les grands parcs naturels, Vanoise (premier parc national créé en France), Ecrins, Vercors, Chartreuse, Queyras, Mercantour.

Les premiers touristes vinrent dans les Alpes se refaire une santé grâce aux eaux thermales et à l'air pur. Si certaines sources étaient connues pour leurs bienfaits dès l'époque romaine, le grand essor du thermalisme alpin date du XIXème siècle. De même, durant des décennies les sanatoriums d'altitude accueillirent les malades atteints de tuberculose. La légende des Alpes est née avant tout d'une activité sportive à qui le massif a donné son nom, l'alpinisme. La conquête des cimes, cette "conquête de l'inutile", a une inscrit une extraordinaire épopée. On peut en dater les grands débuts lors de la première ascension du Mont-Blanc, le toit de l'Europe, par deux chamoniards, en 1876. La ville de Chamonix, grâce à sa situation exceptionnelle au pied du splendide massif du Mont-Blanc, devint la destination de prédilection des plus grands alpinistes qui y signèrent des exploits de légende. Les nombreux passionnés de haute montagne, tous ceux qui veulent connaître leurs limites - et quelquefois tenter de les dépasser - trouvent sur l'ensemble du massif alpin un terrain d'inépuisables aventures humaines.

L'histoire des populations alpines est compliquée, du Nord au Sud du massif, les différentes régions connurent des destins bien différents. Elles furent longtemps tiraillées entre la Maison de Savoie -issue de l'éclatement du pouvoir des Bourguignons et régnant sur le Piémont-, le Dauphiné et la Provence qui relevait des comtes d'Anjou. Le rattachement de la Savoie à la France ne date que de 1860. Témoignages de ces époques tourmentées, les énormes forteresses construites par Vauban dans le Sud du massif qui font désormais partie du patrimoine architectural de la région, au même titre que les châteaux destinés à défendre les vallées et que le patrimoine religieux. Ce dernier est particulièrement divers, avec de nombreux oratoires et chapelles, les habitants recherchant par tous moyens la bienveillance des saints face aux catastrophes, tempêtes ou avalanches. D'apparence sobre, ces chapelles possèdent souvent des décorations intérieures d'une grande qualité, peintures murales aux couleurs éclatantes, illustrant des scènes de la bible ou la vie des saints protecteurs.

Les Alpes du Nord diffèrent de celles du Sud à la fois sur les plans géologique et climatique. Les massifs cristallins, découpés en crêtes et fines aiguilles, sont les plus élevés (Mont-Blanc, Oisans, Pelvoux, Mercantour). On y rencontre les neiges éternelles et les glaciers qui, effet du réchauffement climatique, ont beaucoup diminué depuis quelques décennies. Les Préalpes calcaires offrent des reliefs très complexes dans toute la partie Ouest et Sud du massif avec des plissements géants, des falaises et des cluses. L'ensemble du massif, incroyablement complexe, possède un atout important, il est pénétré par un puissant réseau de vallées, Arve, Arly, Isère, Arc, Romanche et Arc, Durance, Ubaye, Verdon, tous affluents du Rhône, qui constituèrent très tôt un atout majeur pour le développement économique. Ces eaux, abondantes, nées de la fonte des neiges, sont bien évidemment une providence en matière de production hydroélectrique et d'irrigation des terres.

"Les montagnes sont des pierres jetées par les Dieux dans le jardin du Monde" écrivit un philosophe de l'antiquité. La formule est belle. Eternelles, enchantées, enchanteresses, les qualificatifs les plus élogieux ont été utilisés pour les Alpes. Les poètes romantiques ont écrit ici des pages superbes. Rousseau était fasciné par la beauté de la nature et Lamartine émerveillé par le lac du Bourget ("Ô temps suspends ton vol..."). Ces lacs composent effectivement tous des paysages rêvés : Léman, Bourget, Annecy, Roselend, Mont-Cenis, Tignes en Savoie, Aiguebelette en Dauphiné, Serre-Ponçon sur la Durance, Castillon et Sainte-Croix sur le Verdon. Enchâssés dans le massif comme des bijoux dans leur écrin, ils offrent des buts de promenades et des centres de loisirs diversifiés.

Tout aussi passionnante est l'observation de l'habitat rural ancien de montagne, son intégration dans l'environnement. Les villages sont bâtis sur l'adret, versant ensoleillé, la plupart du temps à flanc de montagne. Les habitations, massives, disposent d'un minimum d'ouvertures, plein Sud de préférence, et de grands balcons, les "solerets" où l'on rangeait le bois de chauffage. Ces vastes bâtisses, avec greniers à grain et granges à fourrage en étage, protégeaient du froid les habitants et le bétail. Le bois était largement utilisé dans la construction, que l'on retrouve de nos jours dans les nouvelles habitations de stations d'altitude. C'est la marque d'un retour à la tradition.

Les différentes régions des Alpes du Nord ont leur géographie et caractère propres. Elles ont noms Chablais, belvédère sur le lac Léman, région du Mont-Blanc, au pied du toit de l'Europe, Aravis, Faucigny, Bauges. Beaufortin ; dans le Dauphiné, près de Grenoble, Vercors, plateau forteresse, haut lieu de la résistance pendant la seconde guerre mondiale, Chartreuse où se niche le couvent de la Grande-Chartreuse, chaîne de Belledonne. Deux grandes vallées, la Tarentaise (Isère) et la Maurienne (Arc), encadrant le massif de la Vanoise, ouvrent les passages vers l'Italie et desservent les plus vastes domaines skiables d'Europe. C'est évidemment dans ces vallées que ce sont développées les belles villes d'Annecy, la "Venise alpine", de Chambéry, l'ancienne capitale du Comté de Savoie, au riche patrimoine et de Grenoble, la dynamique métropole dauphinoise.

En franchissant le col du Lautaret on passe dans les Alpes du Sud et on découvre l'Oisans, le massif des Ecrins et le splendide sommet de la Meije Le climat devient méditerranéen, ce qui signifie ensoleillement maximum, luminosité du ciel, rareté des brouillards. Le Briançonnais a très tôt offert une voie de passage vers l'Italie. Le Queyras, pays du bout du Monde, abrite de pittoresques villages dont la plus haute commune d'Europe, Saint-Véran. Plus au Sud, Barcelonnette, dans la vallée de l'Ubaye, au pied des hauts sommets du parc naturel du Mercantour. Quelques luxueuses villas rappellent une odyssée surprenante, celle d'enfants du pays qui, il y a quelques siècles, émigrèrent au Mexique et y firent fortune. Dans la vallée de la Durance, pays de riches vergers, de curieuses concrétions, les "demoiselles coiffées", accrochent le regard. Les Préalpes, dauphinoises puis provençales, occupent l'ensemble de l'Ouest et du Sud du massif alpin, jusqu'aux portes de Provence. La rivière du Verdon a creusé un fantastique canyon, une gigantesque faille entre des parois vertigineuses. Ce canyon reste une véritable énigme géologique, unique en Europe, et une attraction touristique exceptionnelle.

La gastronomie des Alpes est tout aussi diverse, dérivée des productions locales. On sait que les régions où les hivers sont rudes ont développé une cuisine rustique, faite de plats reconstituants, à base de fromages et charcuteries, viande de porcs et poissons de rivières. Un des plats les plus célèbres est le gratin dauphinois, mélange roboratif de pommes de terre, œufs et lait. Dans ce pays d'élevage, le fromage tient logiquement la première place. En Savoie, c'est la tomme, terme générique englobant différentes provenances et plusieurs appellations d'origine contrôlées, le reblochon, le beaufort et l'abondance. Les variétés sont nombreuses, saint-Marcellin, bleu de Sassenage-Vercors, persillé du Mont-Cenis, fromages de chèvre (picodon ou banon) dans les Alpes du Sud, etc. La fondue savoyarde, qui fait la joie des randonneurs après leurs périples - arrosée comme il se doit d'un blanc de Savoie – apporte ce petit supplément de convivialité qui complète un séjour agréable.

Parmi de nombreux éloges sur la région, relevons celui du philosophe Kant qui écrivit qu'il avait découvert dans les Alpes "le Sublime des sommets enneigés qui se perdent dans l'azur et le Beau des prairies émaillées de fleurs et des vallons coupés de ruisseaux". Quel hommage ! Si on y ajoute le Bon ?

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