Reims, Epernay et Troyes, Ardennes, Aube et Marne
Prononcer le seul mot de champagne, un peu partout dans le Monde, c’est évoquer un breuvage divin. Ce nom, déjà, pétille !
Quel destin exceptionnel pour ce vin issu d’un minuscule terroir, de quelques milliers d’hectares, ce vin sans lequel il n’y a point de grandes fêtes ! Le passé de la province de Champagne est également lié à de grandes pages de l’histoire de France, à l’édification de hauts lieux de spiritualité et à de magnifiques œuvres d’art. Plus modestes, mais également attachantes, les Ardennes dévoilent de charmants paysages vallonnés, de profondes forêts et des vallées où se sont développées de fortes traditions industrieuses dans le textile, la métallurgie et les métiers du bois, un pays de légendes anciennes…
Il fallut toute l'ingéniosité d'un moine bénédictin du XVIIème siècle, Dom Pérignon, pour produire le champagne que nous connaissons à partir d'un vin rouge. Il obtint l'effervescence grâce à une seconde fermentation, quelques mois après les vendanges, et la qualité du produit grâce à un savant assemblage de cépages : le procédé de base était né. Plus tard, l'utilisation du bouchon de liège, destiné à remplacer l'étoupe huilée, et la fabrication de bouteilles en verre résistant à la forte pression, apportèrent les améliorations techniques indispensables. A partir du XVIIIème siècle, de grandes maisons se développèrent à Reims et Epernay. L'assemblage relève du grand art de même que chacune des phases de la chaîne de production et de fabrication exige des soins extrêmement minutieux, fort bien expliqués lors des visites de caves. Les différents vins, bruts, secs ou demi-secs, sont fabriqués à partir de trois cépages, le chardonnay, le pinot noir et le pinot meunier. Des noms poétiques, qui évoquent l'Antiquité, ont été donnés aux bouteilles selon leur contenance, allant du quart au Nabuchodonosor (20 bouteilles de 75 cl) en passant par le Magnum (2 bouteilles), le Jéroboam (3 bouteilles), etc.
La province de Champagne joua un rôle tout à fait éminent dans l'histoire de France à partir du moment où, vers l'an 500, les rois francs se convertirent au christianisme, lors du baptême de Clovis par l'évêque de Reims. Plus tard, la cérémonie du sacre des souverains français dans la cathédrale de Reims fut institutionnalisée et 25 sacres royaux s'y déroulèrent, de Louis VIII (1223) à Charles X (1825). Le plus célèbre fut celui de Charles VII, en présence de Jeanne d'Arc. Quant à Charlemagne, il se servit de son sacre pour asseoir son autorité sur son immense empire. Reims était vraiment au cœur de l'histoire européenne.
Au cours de l'histoire récente, les Ardennes furent aux avant-postes des combats au cours des guerres opposant la France à l'Allemagne du fait de leur situation à la frontière Nord-Est du pays. La Champagne, qui fut le théâtre de combats meurtriers pendant la première guerre mondiale (bataille de la Marne), est aussi un pays de mémoire : une gigantesque croix de Lorraine a été édifié en forêt de Clairvaux pour honorer la mémoire du général de Gaulle qui vécut à Colombey-les-deux-églises et qui repose dans le cimetière de cette petite localité.
Au Moyen-Âge la région fut une terre d'échange entre l'Europe du Nord et celle du Sud. Les foires de Champagne étaient célèbres, notamment celles de Troyes et de Provins. Une foule innombrable de marchands, notamment de draps, s'y donnaient rendez-vous deux fois l'an. Les tractations s'effectuaient en plusieurs temps : exposition des marchandises, présentation des prix, vente proprement dite ; le règlement s'effectuait en livres provinoises, avec le concours des banquiers florentins passés maîtres dans l'art du change. La situation de la Champagne sur les grandes routes du commerce européen explique son développement précoce et sa richesse en des périodes où la plupart des régions françaises vivaient à l'écart de ce mouvement.
La région est marquée par une grande spiritualité, dès les débuts du christianisme. Les monastères développèrent leurs possessions sous les Bénédictins (rattachés à Cluny) fort riches. C'est un moine champenois, Robert de Molesme, qui en réaction à l'opulence des Bénédictins fonda, à l'abbaye de Cîteaux (en Bourgogne) l'ordre cistercien, particulièrement rigoureux. Il fut suivi par plus de 350 monastères en Europe ; parmi eux, celui de Clairvaux (près de Bar-sur-Aube) joua un rôle majeur au XIIème siècle et fut le véritable centre du monde religieux occidental. Le patrimoine religieux champenois est à la fois divers et d'une exceptionnelle richesse. La période gothique est magnifiquement représentée. La cathédrale de Reims où furent couronnés tant de souverains, est l'une des plus grandes du Monde et des plus remarquables par son unité de style, sa splendide façade, sa statuaire et ses vitraux. Dans celle de Troyes, richement décorée, l'art du vitrail est magnifiquement représenté sur une période de plus de cinq siècles. La région possède de très nombreux édifices, églises, abbayes et basiliques, jusqu'aux curieuses églises à pans de bois garnis de torchis de la Marne et de l'Aube.
Le touriste qui aborde les Ardennes, découvre des paysages spectaculaires, où la nature s'épanouit (le nom de "Arduena sylva" signifie "forêt profonde" en idiome celte). Depuis toujours le pays est connu pour ses superbes forêts de conifères et de feuillus, territoires privilégiés pour la chasse, notamment celle du sanglier, animal symbole de la région depuis que la légende représenta la déesse Ardenne le chevauchant. Pour témoigner son admiration à un champion sportif local on le qualifie de "sanglier des Ardennes" ! La forêt ardennaise est un lieu mythique, refuge des animaux sauvages et de personnages imaginaires, tels les "nutons", sortes de petits nains de jardin futés, et a donné naissance à de nombreuses légendes. Parmi les plus connues, celle des Dames de la Meuse, épouses infidèles qui auraient été statufiées, celle du Château du Diable ou des Quatre fils Aymon, qui, montés sur leur cheval Bayard, osèrent s'attaquer au tout puissant Charlemagne. Ce récit chevaleresque de type chanson de geste fut repris dans des poésies et des romans.
Contrairement à la plupart des régions disposant de vastes espaces, les activités économiques essentielles des Ardennes n'étaient pas agricoles ou dérivées de l'agriculture mais industrielles ; ce furent la métallurgie et le textile. Dès le XIIIème siècle la clouterie fut introduite, puis la boulonnerie, la ferronnerie et la fonderie. Une des images d'antan les plus étonnantes représentait un petit atelier de cloutier où un chien attelé faisait tourner une roue actionnant un soufflet de forge ! Les rares visiteurs étrangers étaient étonnés par le nombre de chiens assis devant ces ateliers, attendant leur séquence de travail. Autre activité aux origines fort anciennes (guerres de religion), celle du textile, en particulier de la fabrication du drap et de la dentelle. Le "point de Sedan" était célèbre dans toute l'Europe. Cette activité s'est reconvertie dans la fabrication de tapis haut de gamme. Enfin l'exploitation de l'ardoise, extraite du sous-sol schisteux, connut un important développement. La Meuse qui depuis toujours permet d'acheminer ces diverses productions vers la Flandre active est la muse de ce pays. Serpentant dans le massif, décrivant de majestueux méandres, la rivière compose des paysages délicieux.
Dans ces divers pays plusieurs itinéraires à thèmes permettent de découvrir les paysages, le patrimoine et les productions : routes du champagne, des églises fortifiées ou à pans de bois, du fer, des légendes de Meuse, des fortifications, des forêts, lacs et abbayes, du vitrail, Rimbaud (le poète "aux semelles de vent" était né à Charleville), etc. Plusieurs manifestations populaires trouvent leurs origines dans les traditions, les particularismes locaux et les hommages rendus aux personnalités (se renseigner auprès des syndicats d'initiative). Parmi les grands hommes nés en Champagne, figure le plus immense de nos fabulistes, Jean de La Fontaine, originaire de Château-Thierry.
Evoquer les produits traditionnels et la gastronomie c'est se rappeler d'un épisode historique, celui de l'arrestation du roi Louis XVI en 1791. Le roi - qui appréciait dit-on les pieds de porc de Ste-Ménehould –avait fait étape avec sa famille dans cette localité et il fut reconnu par le fils du Maître de poste. On connaît la suite, l'arrestation quelques kilomètres plus loin, à Varennes, et le retour sur Paris de la famille royale. Les pieds de porc attirent toujours les gourmets ! Le jambon cru des Ardennes fumé avec des branches de genévrier est réputé, comme les charcuteries, boudin blanc de Rethel, andouillettes de Troyes, et les différents plats de gibiers et de poissons. Le chaource est le fromage champenois le plus connu. Quant aux pâtisseries d'origine locale elles sont nombreuses et ont un point commun, toutes se doivent d'être accompagnée d'une coupe de champagne !